Né le 27 octobre 1949 à Morency, dans la région des Cayes en Haïti, Jean Joseph Gélerme Laguerre est le fruit d’un foyer ancré dans la foi chrétienne. Son enfance, partagée entre Les Cayes et Flamand, s’est déroulée sous le regard bienveillant mais exigeant de ses parents, Frazil Laguerre et Iralia Germeil. Frazil, homme droit et rigoureux, incarnait une autorité morale fondée sur le respect, le devoir et l’intégrité. La prière faisait partie du quotidien, et la discipline familiale rejetait toute forme de vie débridée. Très tôt, animé par une soif de savoir, il quitte sa localité natale pour s’installer aux Cayes, afin de poursuivre ses études.

Il commence son parcours scolaire chez Mlle Armelle Rameau, à la rue du Quai, puis poursuit ses études primaires à l’École des Sœurs de la Sainte-Famille. Il poursuit ensuite sa formation secondaire au Collège Frère Odile Joseph, avant de la compléter au Lycée Philippe Guerrier des Cayes. Brillant mais réservé, le jeune Gélerme Laguerre manifeste très tôt un goût prononcé pour la réflexion, la rigueur et le sens du service. À l’école, il faisait déjà preuve de leadership au sein des groupes de travail avec ses camarades de classe. Le jeune Gélerme avait pour modèles le frère Gilles du Collège Frère Odile Joseph, le professeur Antoine Amazan et le professeur Raoul Lyncé, qu’il admirait pour leur sérieux et leur ouverture dans l’encadrement des jeunes.
Après l’obtention de son baccalauréat, son plus grand défi était de se fixer une direction claire pour avancer. Il entame des études en sciences humaines à Port-au-Prince, mais, confronté à des difficultés financières, il est contraint d’interrompre son parcours et de retourner aux Cayes pour enseigner. Déterminé à poursuivre sa formation, il s’inscrit à l’École de Droit et des Sciences Économiques des Cayes (EDSEC), où il obtient son diplôme en 1982. C’est au sein de cette institution qu’il développe une véritable passion pour l’évolution du droit à travers les âges, un sujet qui stimule sa curiosité intellectuelle. Quelques années plus tard, en 1990, il approfondit sa formation juridique en France, à l’École Nationale de la Magistrature, où il suit un programme intensif, comprenant un stage théorique à Paris et un stage pratique à Pontoise.
Carrière dans l’enseignement
Maître Laguerre a mené une carrière dans l’enseignement avec passion et dévouement. Il débute au Collège des Pères de Cavaillon, où il enseigne pendant un an. Satisfaits de la qualité de son travail, les responsables de l’établissement souhaitaient déjà le nommer directeur. Mais, conscient qu’il ne détenait alors qu’un diplôme d’études classiques, il choisit avec humilité de retourner aux Cayes pour entamer des études en droit. Il rejoint en parallèle le Lycée Philippe Guerrier des Cayes, où il enseigne tout en assumant les fonctions de censeur de 1982 à 1987. Sa rigueur pédagogique et son engagement ont marqué plusieurs générations d’élèves. Il a transmis son savoir dans de nombreux établissements des Cayes, notamment au Collège Saint-Jean, au Collège Fénimore Fougère, à Saint François de Sales, au Collège Lysius Félicité Salomon Jeune, au Collège Mixte De Sion, à Saint Martin de Porès et au Collège Adventiste des Cayes. Il a également enseigné à l’École de Droit et des Sciences Économiques des Cayes (EDSEC), où il a contribué à la formation de nombreux étudiants en droit et en sciences sociales.

Un juriste au service de la justice
À partir de la fin des années 1980, Maître Laguerre s’engage pleinement dans sa carrière juridique. Défenseur public des plus vulnérables, il œuvre pendant deux ans en faveur des prisonniers sans défense. En 1988, il est nommé Substitut du Commissaire du Gouvernement. Deux ans plus tard, il obtient une bourse pour intégrer l’École nationale de la magistrature en France. Il y suit une formation rigoureuse, incluant un stage théorique à Paris et un stage pratique à Pontoise.
De retour en Haïti en 1990, il est nommé Commissaire du Gouvernement aux Cayes. Mais son engagement pour une justice équitable est bientôt confronté aux bouleversements politiques du pays. Écarté de son poste à la suite du coup d’état de 1991, il devient un avocat militant, infatigable défenseur des droits humains. Dans les années qui suivent, il s’impose comme l’une des voix les plus respectées du Sud. En 1992, il devient cofondateur du Collège Pierre Corneille, tout en collaborant avec la commission Justice et Paix de l’Église catholique et la mission civile de l’Organisation des Nations Unies pour les droits humains. Malgré les menaces de mort, il n’a jamais cessé de défendre les plus vulnérables. Son courage, son intégrité et sa fidélité à ses principes lui valent l’estime de beaucoup dans le sud.
Une brève expériences en politique
En 1995, Maître Laguerre est élu sénateur de la République et siège jusqu’en 2001. Bien que cette expérience politique ait été marquante, elle ne correspondait pas à sa véritable vocation. C’est pourquoi, à la fin de son mandat, il choisit de se retirer de la vie politique. De retour aux Cayes, il retrouve ses premières amours : l’enseignement et la transmission des valeurs. Il poursuit son engagement éducatif au Collège Pierre Corneille et à l’EDSEC, menant une vie empreinte de discrétion et de modestie, mais marquée par la sagesse de son esprit et de son engagement.
Philosophie de vie
Maître Laguerre croit en la primauté de la dignité sur les biens matériels. Pour lui, une véritable source de fierté réside dans le développement de la personnalité et la formation d’un bon caractère. Il affirme que la richesse ne définit ni la valeur d’un homme ni le respect qu’on lui doit. Il adopte également une philosophie éclairée du pouvoir, qu’il considère comme une responsabilité à maîtriser. Il rappelle souvent que « personne ne détient le monopole de la vérité ; chacun exprime simplement une opinion ». De cette conviction découle son attachement au dialogue et au débat comme moyens de travailler sur les différences et de favoriser l’harmonie. Sur le plan humain, il invite à cultiver des amitiés authentiques, sans compromis sur la dignité. Comme il aime le rappeler : « Avoir le monde pour ami est difficile et ne suffit pas. Mais un seul ennemi, c’est déjà trop».
Maître Jean Joseph Gélerme Laguerre incarne une vie de rigueur morale, d’engagement intellectuel et de courage civique. Son parcours, marqué par les luttes, le service et la souffrance, demeure un modèle inspirant pour les générations futures. Homme simple dans ses manières, mais profond dans sa pensée, il laisse une empreinte inoubliable.
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